Interview des 2 médiateurs du Groupe iQera
Ecouter, lire réellement et comprendre ce qui se cache entre les lignes ou qui n’est pas dit
Pierre, Chargé de la médiation Groupe
Faire ses preuves et le reste suivra
Laurent, Chargé de la médiation Groupe
Racontez-nous votre parcours et depuis quand vous travaillez avec iQera ?
Pierre (que nous nommerons ainsi pour des questions de confidentialité) : J’ai commencé mon aventure au service amiable de la société en 1997 en passant par le management du service règlement. Ayant souhaité me diversifier, j’occupe depuis 2018, le poste de médiateur Groupe.
Laurent (que nous nommerons ainsi pour des questions de confidentialité) : Pour ma part, je suis juriste de formation et j’ai occupé divers postes depuis mon arrivée en 2010 avant de rejoindre le Secrétariat Général en 2021 en tant que médiateur aux côtés de Pierre
Avez-vous quelques chiffres clés à nous communiquer ?
Pierre : Pilotage de 610 réclamations sur l’année 2022 contre 400 en fin 2021. Cette augmentation des réclamations traitées est la conséquence directe de l’amélioration du processus de remontée qui permet de mieux identifier et plus rapidement les situations méritant une prise en charge spécifique.
Laurent : C’est exact. Ce delta ne veut pas dire qu’il y a plus de réclamations qu’avant. La mise en place du pilotage, le suivi, l’animation des équipes référentes ainsi que la sensibilisation des équipes opérationnelles ont permis de faire remonter plus de réclamations. C’est donc plutôt une bonne nouvelle pour nous et le signe d’un processus fiable et efficace.
Comment se déroule la journée-type d’un médiateur ?
Laurent : Le premier point pour nous est de prendre connaissance des emails qui sont très souvent la source de notre activité. Il n’y a pas vraiment de journée-type, nous avons, en revanche, des tâches récurrentes :
- Gérer les remontées d’informations qui font suite à une réclamation et qui vont nous permettre de mieux comprendre les situations qui engendrent des remontées.
- Prendre connaissance des nouvelles réclamations et demandes au titre des droits d’accès (RGPD)
- Assister ou animer des réunions
Pierre : Le traitement de la boîte email nous permet également de vérifier les urgences qui sont notre priorité car nous gérons du risque et la prise en charge rapide est un gage de réussite du règlement d’une difficulté. Nous avons réparti la charge de travail en fonction de deux règles : les réponses aux réclamations doivent être apportées dans un délai maximum de deux mois et un mois pour les sujets RGPD. Nous apportons une réponse d’attente dans les 48 heures.
Existe-t-il des outils pour votre domaine et est-ce pertinent pour votre gestion ?
Pierre : Oui il existe des outils et solutions externes que nous n’utilisons pas pour l’instant. Nous recensons néanmoins toutes les réclamations que nous recevons et opérons un suivi de leur traitement.
Laurent : Nous réfléchissons actuellement à exploiter l’outil utilisé pour la conformité RGPD par le DPO Groupe qui intègre un module sur le traitement des exercices de droits et qui pourrait être adapté à notre activité.
Pouvez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles le recours à un médiateur est possible et comment cela peut se faire ?
Pierre : La médiation est accessible à tous les interlocuteurs débiteurs des entités du Groupe iQera et a pour but de répondre aux réclamations clients qui n’ont pu faire l’objet d’une prise en charge par les services opérationnels. La saisine est effectuée de plusieurs manières :
- Par transmission de la réclamation par le manager du service concerné
- Par courrier/courriel directement adressé au Médiateur Groupe par le client débiteur ou un tiers habilité (ceci est notamment mentionné sur notre site internet)
- Par le médiateur lui-même quand la situation l’exige (ex : s’il a connaissance d’une situation particulièrement sensible ou d’un risque d’image fort)
Une fois la saisine effectuée, le traitement de la réclamation est pris en charge par le référent réclamation de l’entité du groupe concernée avec l’appui de la Médiation groupe, et dans les cas les plus sensibles, par le Médiateur Groupe directement.
Laurent : On qualifie de réclamation une déclaration écrite d’un client (ou d’un tiers mandaté par ce dernier) actant son mécontentement à l’égard du traitement dont il a fait l’objet soit en interne, soit par le cédant ou le donneur d’ordre, et dont les origines peuvent être diverses (Ex : Prescription, Harcèlement téléphonique, Menace de plainte). La médiation est saisie dès lors que le litige n’a pas été résolu par le service concerné. La réclamation est donc une objection qui cumule des facteurs de risque justifiant l’intervention du médiateur. On retrouve le plus souvent des litiges liés à l’existence de la dette, à son quantum ou au traitement de recouvrement. La médiation peut également intervenir lors des demandes de renégociation de dette ou dans des situations de grande fragilité financière.
Etes-vous confrontés à des difficultés particulières ? Et comment réussissez-vous à y faire face ?
Pierre : Il y a de nombreux cas où nous sommes confrontés à des difficultés. Nous travaillons beaucoup sur des dossiers en servicing, et l’une des problématiques est de parvenir à un certain équilibre entre business et risque. Lorsque nous n’avons pas la main sur la négociation, il faut savoir alerter le donneur d’ordre sur notre risque et par extension sur le sien.
Laurent : Nous devons agir assez rapidement afin d’éviter les escalades, qui peuvent aller parfois jusqu’au dépôt de plainte. Pour ce faire, l’alerte doit nous parvenir à temps, et c’est aussi l’une des difficultés que l’on peut rencontrer. Mais toute la structure du Groupe a été fortement sensibilisée à des signalements de cet ordre. Cela nous est remonté le plus souvent dès la survenance de l’incident. Il y a toujours la possibilité d’intervenir en essayant de prendre contact, calmer le jeu, trouver une solution, quitte à préconiser des clôtures de dossiers. La personne qui fait une réclamation a souvent besoin d’une nouvelle écoute. D’avoir l’impression que sa situation est prise en compte.
L’une des difficultés qui semble émaner de votre métier est le fait de devoir trouver un terrain d’entente entre les parties prenantes sans pour autant dévoiler les informations personnelles qui pourraient vous être confiées. Comment y faites-vous face ?
Laurent : Nous traitons des données sensibles et sommes soumis au secret professionnel mais nous pouvons être amenés à devoir transmettre certaines informations. Nous sommes notamment chargés de répondre aux réquisitions judiciaires qui nous sont adressées à la suite de commissions rogatoires dans le cadre d’enquêtes menées par la police ou la gendarmerie. L’un des cas que nous avons assez souvent est lié à des plaintes pour usurpation d’identité avec utilisation abusive de carte bleue. Des OPJ (officiers de police judiciaire) nous contactent et demandent des informations sur une personne, des dossiers, un règlement… C’est le seul cas où nous sommes amenés à communiquer des renseignements à des tiers. Mais nous y sommes contraints par la réquisition judiciaire et nous vérifions qu’elle est bien valable avant de répondre.
Pierre : Il y a également parfois des enquêtes criminelles ou des réclamations très sensibles. Ce sont des cas où il faut avoir une certaine discrétion et respecter un degré de confidentialité important. Nous pouvons aussi être amenés à tenir compte de certaines informations sensibles pour nos préconisations sans pouvoir les communiquer.
Il y a-t-il des règles, des lois précises à respecter dans le travail de médiation ? Par exemple, les échanges que vous réalisez sont-ils assujettis à la confidentialité professionnelle ? Avez-vous des obligations juridiques ou liées à la RGPD ?
Pierre : Nous avons en premier lieu calqué la procédure sur la règlementation bancaire. Par opportunité, nous avons dupliqué le modèle sur tous les types de créances.
Laurent : Travailler sur la base d’un cadre règlementaire facilite l’application de nos procédures internes. Cela nous permet d’être plus facilement en conformité sur des aspects commerciaux, de relation… C’est différent sur la partie RGPD, car nous devons nous conformer à la législation sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. La manière de rédiger les réponses, les éléments constitutifs, sont fixés par la législation dont le respect est surveillé par la CNIL.
Pierre : Il y a plus de formalisme avec, par exemple, des mentions obligatoires dans toutes les réponses que nous allons fournir.
Laurent : Ce qui n’est pas le cas dans les réponses que nous pouvons faire dans le cadre de la médiation ou de la réclamation.
L’humain, semble être le cœur du métier de médiation. Or, dans votre cas les “litiges” sont entre une personne physique et une personne morale. D’un côté un historique, une personnalité, des sentiments, de l’autre une entreprise. Comment faites-vous pour satisfaire les deux parties prenantes ? Est-ce toujours possible ? Dans le cas contraire que reste-t-il comme option ?
Pierre : C’est un peu comme le traitement du risque en règle générale. Nous confrontons des positions puis il y a un arbitrage. Le rôle de la médiation est facilité par le fait qu’elle est indépendante totalement des opérationnels. Lorsque la réclamation parvient chez nous, elle est prise en charge avec un regard nouveau et neutre. C’est un cadre rassurant et nous arrivons toujours à trouver un point d’entente. Nous représentons certes l’entreprise, mais nous, les médiateurs, agissons toujours en tenant compte de l’humain. Si jamais il y a friction ou que nous sommes vraiment en désaccord, nous trouvons une façon de l’expliquer à notre interlocuteur.
Laurent : Notre rôle, lorsque nous sommes confrontés à une problématique comme celle-là, est de recueillir les positions de chacun et les confronter. Nous essayons d’écouter et d’avoir une position juste qui tient compte de la réalité qui nous est exposée.
Quelles sont, selon vous, les erreurs à ne pas commettre ?
Laurent : Il faut essayer de conserver le plus de neutralité possible, ce qui n’empêche pas un degré d’empathie. Il y a une nécessité de savoir prendre en compte les arguments de chaque côté. Il faut avoir une certaine honnêteté intellectuelle.
Pierre : Il ne faut pas s’investir émotionnellement dans le sens où il faut être humain mais ne pas prendre parti. Il faut être très à l’écoute.
Laurent : Et ce n’est pas toujours simple. Lorsque nous recevons un courrier ou un email avec de nombreuses insultes, il faut réussir à passer à travers et trouver les objections derrière les insultes, ce qui explique que la personne réagisse d’une telle manière.
Pierre : La plus grosse erreur est de ne pas essayer de comprendre l’interlocuteur. Une des qualités qu’il faut avoir pour exercer ce rôle est la capacité d’écoute et de compréhension. Il y a souvent derrière une réclamation, quelque chose qui s’est mal passé avant notre intervention. A nous de comprendre la crispation qui a pu donner lieu à la difficulté. Ecouter, Comprendre, ne signifie pas être d’accord. Mais cela permet d’expliquer.
Quel est le meilleur conseil que l'on vous ait donné ?
Laurent : Plusieurs conseils m’ont été transmis au début de ma carrière en étude d’Huissier. Ecouter et lire réellement, comprendre ce qui se cache entre les lignes ou qui n’est pas dit : la personne et son besoin.
Pierre : Faire ses preuves, et toujours se remettre en question. Avant d’exiger quelque chose, montrer ce que l’on vaut.